davduf|net – Luc Bronner : « Une guerre totale »
Edith nous a proposé l’article ci-dessous. Très intéressant.
Merci Edith.
Sam
Luc Bronner : « Une guerre totale »
(…)
Depuis quatre années, le journaliste Luc Bronner arpente un secteur à part. Une sorte de sous monde dans le monde, un univers avec ses codes propres, ses zones de non droits (Bronner insiste, à raison, sur le « s » à droits). Dans son nouveau livre, l’ancien lauréat du prix Albert Londres qualifie les lieux de « désert journalistique ». C’est un endroit avec ses « hiérarchies invisibles », avec ses guerres sans nom, sans fin, et ses déshérences. Bronner appelle les lieux comme il se doit : « la loi du ghetto ». Depuis quatre années, Luc Bronner, pour Le Monde, fait ce que tout le petit monde des grands médias a lâché, ou presque [1] : les banlieues françaises. Son travail est plus qu’utile. Il est rare.
Et c’est probablement cette rareté qui donne à « la loi du ghetto » un arrière goût de testament. Le testament d’un truc, la banlieue, qui n’en finirait pas d’agonir, mais qui se réveille, souvent, toujours, à la dernière minute. L’inventaire des lieux, des liens, et des enjeux, est implacable. Une ombre plane et ouvre tous les chapitres : Sarkozy. Le ministre 1 de l’Intérieur. Puis le ministre 2 de l’Intérieur. Puis le Président de l’Intérieur. Qui répète et se répète les mêmes histoires, les mêmes tourments, d’années en impuissances, d’impuissances en reniements. Mais l’on sent bien que ce Sarko cache la forêt : de droite, de gauche. Page 152 du livre, c’est la phrase clé : « là réside le paradoxe de la politique de la ville française. Le refus officiel de tout “communautarisme” et la mise en avant volontariste de la “mixité sociale”. Mais des pratiques aux antipodes ».
Puis l’on tombe sur les p.222-225. En arrêt. Ce sont celles sur la « guerre totale », écrit Bronner, celles de l’ « intervention directe [par la police] sur l’urbanisme des cités ». Cela s’appelle la « prévention situationnelle ».
Depuis 2007, dans le sillage des émeutes de 2005, la loi de prévention de la délinquance a en effet doté les forces de l’ordre d’une nouvelle mission : multiplier les « études de sécurité » de certains quartiers et les consignes concrètes dans les plans de réaménagement des cités. Et Luc Bronner de détailler les « cahiers de recommandations » transmis aux responsables de la rénovation urbaine : « ne plus autoriser la construction de dalles d’où des émeutiers pourraient lancer des projectiles. Installer des plots en béton devant les sites sensibles, comme les commissariats, ou susceptibles d’être attaqués par une voiture bélier, comme les commerces. Faire disparaître les auvents devant les halls d’immeubles pour éviter que les jeunes s’y regroupent à l’abri des intempéries. Supprimer les passerelles qui peuvent être utilisées par des jeunes pour viser des véhicules de police. Modifier els itinéraires de circulation pour favoriser une intervention plus rapide des forces de l’ordre. Eliminer ce que les experts appellent des “ dents creuses ” (…) L’administration va même jusqu’à donner des indications sur l’intensité minimale de l’éclairage : 22 lux en extérieur, 40 voire 80 lux pour un parking ».
Le livre de Bronner est de ce trempe là. Truffé d’informations, prises au pouvoir comme aux dealers, aux habitants comme aux penseurs. De temps en temps, l’auteur se risque au « je ». Et c’est tant mieux. Il raconte ses situations, ses angoisses. Et l’on devine que sa peur physique, au cœur de certaines émeutes, n’est parfois rien comparée à ses peurs morales : à quoi joue-t-on avec NOS ghettos ? De quoi détournons-nous NOS regards ? semble demander sans cesse Luc Bronner.
Pour le reste, ce petit point pour évacuer les soupçons de copinage : à plusieurs reprises, Luc Bronner cite dans son livre l’un de mes ouvrages. Nous ne nous étions jamais rencontrés avec cette interview vidéo, filmée en mars 2010, dans une brasserie de la Gare du Nord à Paris. L’idée, ici, n’est pas de renvoyer un quelconque ascenseur (social-en-panne ou pas), juste de souligner un petit moment qui fait plaisir à lire : le sentiment diffus que quelqu’un a repris le travail là où vous l’aviez laissé. Qu’en disséquant l’invisible, vous comprenez mieux le visible.
David Dufresne – Article publié le 7 avril 2010 – Source
Je viens de lire le bouquin: un diagnostic sans fard! On concrétise les intuitions plus ou moins justes que l’on avait en regardant autour de soi, et ça modifie le regard.
Ah, je vois qu’on est toujours synchrone, Thierry ! Je n’ai pas lu le livre, mais le site de davduf comporte souvent des infos intéressantes. David Dufresne : on se croisait sur le net fin 95 quand ça s’appelait encore « la toile » et ses excitantes promesses de poétique du quotidien et de non-marchandisation du monde. On en est loin, passons. Aujourd’hui c’est l’initiateur de Prison Valley. Et il était partie prenante du combat contre les antennes-relais dans la rue des Ursulines.
@ Sam, tu as toujours mon soutien. Je ne pense pas qu’il soit utile de répondre à des gens qui ne manient pas correctement l’orthographe. Un rapport défini à autrui commence par la maîtrise de la langue, française en l’occurrence. C’est aussi important que de ne pas cracher par terre (dans n’importe quelle langue, of course).
Sur ce, il pleut, et ça, c’est la vraie mauvaise nouvelle de la journée, outre ma crève carabinée.
De Du Jardin à Mme de la Terrasse:
« Je ne pense pas qu’il soit utile de répondre à des gens qui ne manient pas correctement l’orthographe. Un rapport défini à autrui commence par la maîtrise de la langue. »
Ah, je vois qu’on est toujours synchrone, Édith ! 😉 ?
Un reste de nos fréquentations strasbourgeoises, philosophico (mon œil!) musicales et lectures appropriées?
C’est pour ça que ce blog me plaît !
Alors les intellos vous maniez quel degré d’ironie sur l’utilisation de la langue Française
1er 2ème 3ème 4ème 5ème etc…..ou le plus primaire ?
Auriez vous oublié la tolérance dans le rapport à autrui, à vous de choisir le degré d’ironie de cette réponse 😉
j’avais envie d’acheter ce fameux bouquin, tout compte fait je vais me replonger dans :
l’Etranger, ou , être sans destin, le refus, voyage au bout de la nuit, le désert, la peste ou plus
simplement un bon san antonio.
@helene, je m’amusais, on a le droit d’être un peu primesautier, non?
C’était entre nous, et je voulais un peu rire, chambrer Èdith: c’est pas une question d’orthographe! Entre correction du propos et fautes d’orthographe, il y a un monde. Pas de leçon de tolérance, stp, pas besoin. On sait toujours d’où viennent les mots des autres, et les mots, même maladroits de ceux qui ne distribuent pas de haine ou de ressentiment, ça se sent tout de suite, voilà. Rassurée ? 🙂
@Thierry,
J’avais bien compris le message et je m’en suis amusée avec 😉
Il y a des jours ou l’ambiance est si pesante, et je pensais à tout autre chose, loin de moi l’idée de correction de propos de fautes d’orthographe ni de donner de leçon, je ne suis pas prof, issue de la terre de « RABOLIOT » les deux pieds encore dedans 🙂
En fait j’étais encore toute chamoulée.
Mon proverbe favori :
Les chiens aboient, la caravanne passe (prov.arabe)
qui de toute évidence je ne suis même pas fichue de l’appliquer à moi même.
Donc pas d’attaque à vous deux, d’où la question du degré de l’ironie, moi j’en étais au 8ème, pervers me dira t-on ! 😉
Mea culpa