Flèche de Saint-Denis : une opération basée sur le mensonge

Reconstruction de la flèche de Saint-Denis : une opération basée sur le mensonge
L’opération d’enfumage autour du projet de reconstruction d’une flèche à la Basilique de Saint-Denis a été relancée après l’élection d’une nouvelle majorité municipale. Les promesses intenables faites par les municipalités précédentes ont volé en éclats, mais la nouvelle municipalité a cru bon de reprendre ce projet, inutile sur le plan patrimonial et sur le plan touristique.
La question majeure du financement, non résolue précédemment, aurait trouvé une solution en passant par un financement public, celui du département, comme si il n’y avait pas d’autres urgences dans le 93, y compris sur le plan patrimonial. On en serait déjà à une prévision de dépenses de plus de 22 millions d’euros…
Il faut donc bien sûr entretenir les mensonges qui justifieraient cette opération inutile et coûteuse de reconstruction.
Ce projet avait été dénoncé déjà, dès 2016, par le Professeur Alexandre Gady, dans un article dans la revue « L’Objet d’Art » (septembre 2016, pp. 34-35) : « Saint-Denis : la Flèche se dévoile ». dont on peut relire des extraits sur ce blog :
« Saint-Denis : la Flèche se dévoile » – Saint Denis Ma Ville
Et c’est dans “La Tribune de l’Art” qu’un autre spécialiste du patrimoine dénonce ce 27 janvier 2021 l’opération de reconstruction d’une flèche dont il pointe tous les mensonges. Cet article est en accès libre ici :
En voici quelques extraits :
« Peu à peu donc, ce chantier inutile se construit sur une série de mensonges plus gros les uns que les autres, sans que cela ne semble émouvoir personne.
Outre cette fable de la reconstruction sans argent public, alors qu’il n’y aura en définitive que de l’argent public [plus de 22 millions d’euros…], il y a eu l’affirmation (…) que le ministère avait décidé de suivre les recommandations de la Commission nationale des monuments historiques et de lancer les études. Or celle-ci s’y était opposé, sans ambiguïté (…) C’est ainsi que ce projet a pu se poursuivre contre l’avis de cette commission.
Le troisième gros mensonge de cette affaire, c’était la soi-disante réutilisation des pierres d’origine encore conservées (…) : en réalité, toutes les pierres utilisées seront neuves. » (…)
« Mais quelle est donc la morale de cette histoire ? La morale, c’est que les responsables de cet enfumage n’en ont aucune. Mais pourquoi se gêneraient-ils puisque ces mensonges successifs ne posent décidément de problème à personne » (…)
Plutôt tenant de la Charte de Venise, ce projet n’a donc à mes yeux aucun sens, mais en plus, il va être très très gourmand en argent public. A l’heure où les urgences sont partout, est il indispensable de dépenser de dizaines de millions pour ça ? (Pour l’instant le budget est de 20M d’euros en argent public, mais comme tous ces projets, le budget sera explosé et c’est bien le contribuable qui devra supporter cela.) Il y a fort à parier qu’il n’y aura pas de mécène privé eut égard à la situation économique.
Certains intégristes de l’affaire se voilent la face en jurant que la technologie viendra à bout de toutes les insuffisances qui peuvent toucher la basilique (quid du sous sol, quid de l’état des murs, vibrations du métro…?) Espérons que nous ne verrons pas arriver le pire !
Il semble que ce ne sont pas les anciennes pierres qui seront réutilisées. En effet, après plus de 150 ans passées à attendre dans l’herbe, leur état ne permettrait pas leur utilisation pour la construction.
Enfin, je vois mal des dizaines de milliers, plutôt même des centaines de milliers, nécessaires, de visiteurs payer leur écot pour monter en ascenseur au niveau du chantier pour le regarder. Il y aura un sérieux problème de place pour la circulation du public.
Qu’on ne m’oppose pas la futilité ou l’essentialité des affaires culturelles. Il ne s’agit pas de cela, mais plutôt de réagir efficacement et intelligemment à l’urgence économique et sociale générées par la crise sanitaire, mais aussi de pourvoir avant tout à l’entretien de ce monument si mal en point.
Ce projet était une vaste fumisterie dès le début. La reconstruction d’une flèche disparue il y a plus d’un demi-siècle n’a aucun sens sur le plan patrimonial. A part quelques politiques et l’architecte des MH en charge de la Basilique, personne ne soutenait et ne soutient ce projet, ni les critiques d’art, ni les spécialistes universitaires tels que le Professeur Gady, ni surtout la Commission nationale des MH (qui sous pression ministérielle avait autorisé mais n’avait pas approuvé).
Consacrer à un tel projet autant d’argent public du département (et les 22 millions d’euros prévus aujourd’hui ne peuvent que doubler ou tripler, sinon pire…) est une grave tromperie, autant par rapport à d’autres besoins dans le 93 que pour les nécessités de restauration et d’entretien de la Basilique et d’autres monuments du département.
Je suis tout à fait d’accord: ce projet est inutile et ridicule.
Il y a en outre d’ autres priorités.
Il faut manifester clairement et fortement une opposition à cette opération stupide.
Ne va-t-on pas aussi reconstruire l’église des Trois Patrons ?
Nous ne sommes plus à une ineptie prés !
Un architecte des MH est un architecte : dès lors qu’il autorise un projet de rénovation, même s’il n’en est pas l’auteur, il touche un pourcentage sur le coût du chantier qui vient s’ajouter à celui perçu par l’auteur.
Il faut rappeler que le salaire d’un architecte du patrimoine s’échelonne entre 45 205 € et 62 731 € bruts en fin de carrière (chiffres 2020) et qu’il touche en effet des honoraires en plus sur le coût des chantiers qu’il est amené à suivre. Cette rémunération supplémentaire est encadré par un Arrêté du 1er février 2011 (JORF n°0033 du 9 février 2011) que l’on peut trouver ici : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000023561027/
Dans le cas de la reconstruction d’une flèche à la Basilique de Saint-Denis, on peut estimer que le % retenu se situerait à un peu plus de 9% du coût des travaux (selon les tableaux des barèmes affichés dans cet arrêté).
Il est annoncé un coût de reconstruction pour cette flèche d’environ 22 millions d’euros (une prévision qui sera certainement largement dépassée d’ailleurs comme pour tous ces genres de chantiers). Mais si on s’en tient à la prévision actuelle cela représente des honoraires d’au moins 2 000 000 d’euros (deux millions d’euros) qui seront versés à l’architecte en chef des Monuments Historiques en charge de la Basilique.
Merci à Suger pour ces informations édifiantes. Une telle rémunération doit elle être assimilée à un privilège, ou un reste de privilège de l’ancien régime ? On peut légitimement se demander si cette gratification n’est pas quelque peu excessive ? On peut concevoir un tel type de rémunération lorsqu’un architecte exerce en libéral, mais dans le cas présent, l’architecte du patrimoine est déjà payé pour exercer son métier. On peut commenter la hauteur de son salaire, mais c’est sans objet puisqu’il a choisi d’être là et connait les grilles de salaires en arrivant. A moins qu’il ne vienne pour les suppléments d’honoraires ?
Tout cela milite contre cette reconstruction inutile et imbécile et la rend encore plus écœurante face aux besoins d’une partie de la population francilienne.