Le Monde : Concours des professeurs des écoles : le grand écart de la sélection
Voici un article du Monde qui fait le point sur le taux de réussite au concours des écoles : nombre de candidats, taux d’admission, sélectivité, moyenne… Pas de surprise, l’académie de Créteil a du mal à recruter alors qu’elle ne peut pas se permettre d’être très sélective… Bill
Le taux de réussite au concours de professeurs des écoles dépend-il de l’ensoleillement de l’académie visée ? Alors que les inscriptions pour la session 2016 ont débuté, les statistiques de l’édition 2015, publiées par le ministère de l’éducation nationale, permettent de mesurer combien le sésame pour enseigner s’avère difficile à obtenir dans certaines académies, et bien plus facile dans d’autres.
Lors de la session 2015, en moyenne, 38 % des candidats au concours externe effectivement présents aux épreuves ont été reçus. Mais le taux de sélectivité est très variable selon les académies.[…] Les portes étaient grandes ouvertes dans les académies de Créteil et Versailles : ces rectorats ont accepté plus de 63 % des candidats.
[…]
Pour recruter suffisamment de professeurs des écoles en prévision de la rentrée 2015, le concours habituel, organisé par l’ensemble des académies de France, n’a d’ailleurs pas suffi à attirer suffisamment de candidats pour pourvoir les 1 540 postes ouverts à Créteil. Un concours « supplémentaire », ouvert aux candidats des autres académies, a dû être mis en place pour assurer qu’il n’y aurait pas de classes sans professeurs à la rentrée de septembre.[…]
« La Seine-Saint-Denis n’est pas un territoire attractif, résume Isabelle Guigon, secrétaire départementale du syndicat UNSA éducation. La vie est chère, les transports sont peu pratiques, les conditions d’enseignement peu enviables. Confrontés à une misère sociale et intellectuelle, les enseignants doivent jouer les rôles d’infirmier, de psychologue…. Bref, l’académie de Créteil a peu d’argument à faire valoir pour attirer des vocations au sein de l’éducation nationale, malgré une démographie galopante. Il reste au rectorat à jouer sur la sélectivité du concours d’enseignant. »
« Il est clair que le concours est plus accessible dans les académies qui ont de la peine à recruter, comme par exemple celle de Créteil. C’est mécanique », confirme Sébastien Sihr, secrétaire général du Syndicat national unitaire des instituteurs professeurs des écoles et PEGC (SNUipp).
Quelle note faut-il obtenir au concours pour enseigner dans une école élémentaire ? Au sein de l’académie de Montpellier, qui fait partie des académies les plus sélectives, « un candidat qui a en dessous de 14 de moyenne n’est pas reçu, affirme Isabelle Guigon. En comparaison, à Créteil, en 2014, des enseignants ont été recrutés avec une moyenne de 5. » En 2015, la moyenne du dernier candidat admis serait montée à 10, selon la syndicaliste. Mais aucun des 470 candidats retenus en liste complémentaire, et dont certains ont été appelés dès la rentrée pour assurer des remplacements dans les classes, n’aurait obtenu la moyenne.
[…] Néanmoins, la plus grande facilité d’obtenir un poste dans certaines académies n’est pas sans conséquence. Elle engendre une forme de « tourisme de titularisation » : « Après avoir échoué dans leur académie en province, de nombreux candidats viennent passer le concours à Versailles ou à Créteil. L’admission en Ile-de-France en poche, ils espèrent qu’elle leur servira de visa pour retourner chez eux », expose Isabelle Guigon.
[…] Si l’on considère la situation du côté des élèves et des familles des académies les moins sélectives, au moindre niveau des professeurs débutants s’ajoute un turn-over plus important qu’ailleurs.
L’article complet avec la carte de France du taux de réussite
Dans ma nouvelle académie, les jeunes professeurs de lycée qui font leur année de titularisation sur place, avant d’être envoyés ensuite en Ile de france, n’ont, pour la plupart qu’un sentiment : la crainte d’être mutés dans l’académie de Créteil, ce qui veut dire au moins sept à huit ans sans pouvoir « rentrer » chez eux. Certains sont déjà en couple ou ont des enfants en bas-âge, ce qui obscurcit encore leur avenir proche.
Bien sûr, on pourrait leur objecter que c’est la mission de service public, la contrepartie de la sécurité de l’emploi, que Paris est formidable (aucun n’y pourra vivre avec 1600 euros/mois, contrairement à la génération précédente), que pour un enseignant il est bon de se frotter à d’autres publics (les jeunes de banlieue ont aussi des qualités de vivacité et de curiosité qu’on ne rencontre pas toujours en région), que ce sera formateur (et à Créteil ils sont soutenus et accueillis avec plus de soin qu’ailleurs, en tout cas c’est ce que j’ai connu pour avoir fait partie de ceux qui les formaient), rien n’y fait :
Ce qu’on diffuse dans les médias, les descriptions parfois apocalyptiques du métier qui leur sont faites par leurs amis (parfois pas enseignants) les dissuadent de tout optimisme.
un point positif : ceux qui reviennent après quelques années tiennent un discours beaucoup plus équilibré sur leur travail au quotidien : stressant et parfois vraiment dur, mais aussi très gratifiant. Mais il s’agit du lycée, je crois qu’en primaire c’est encore plus compliqué.
Ce métier a été dévalorisé depuis des années, comment espérer qu’il se présente comme un avenir prometteur, pour eux et pour la société..?
Cela dit, on pourrait souhaiter que ce soit pareil pour les jeunes professeurs issus des quartiers : il serait bon qu’ils puissent aller enseigner en région, et pas au pied des cités qu’ils connaissent déjà.
Bonsoir Thierry,
En effet, il y a une différence entre le primaire et le secondaire, dans la mesure où le concours des premiers les voit affectés dans leur académie tandis que les seconds peuvent gagner un voyage et un séjour + ou – long… Pour ma part, ce séjour dure depuis déjà 6 ans… Professionnellement parlant, ce n’est là que du plaisir, mais la nécessité de le reconnaître : la gestion des ressources humaines dans l’Educ Nat…. a de très très très grosses marges de progression… tant pour les usagers que les professionnels !
Après, en effet, le 93 véhicule nombre de fantasmes, comme tant d’autres territoires (personnellement, je viens de Marseille et ses quartiers nord, véhiculant autant de légendes…) mais, mon expérience sur ces 6 années, pour avoir côtoyé nombre collègues issus comme moi de province est que ces fantasmes sont vite balayés et oubliés… Nos élèves sont remuants, parfois (mais plus qu’ailleurs ?), et attachants et… ce ne sont que des gosses, comme ceux de Province, de campagne, etc.
Le métier est dur mais l’académie de Créteil a les qualités de ses inconvénients : des personnels jeunes, dynamiques et peut être + enclins à essayer autre chose…
Cdmnt,
@Franck : Je ne doute pas du dévouement et des compétences professionnelles des professeurs des écoles primaires dans le 93, mais j’ai du mal à partager cette vision idyllique du métier dans le département.
Quelques chiffres d’abord : à la session 2015 du concours, il y avait 1540 postes à pourvoir pour toute l’Académie de Créteil et 4739 candidats inscrits, mais seulement 1912 présents pour passer le concours, ce qui a donné 1610 admissibles et 1219 admis (64% des présents, le taux de sélectivité le plus faible de France), soit moins que le nombre de postes. C’est la seule Académie en France qui n’a pas réussi à avoir autant d’admis que de postes ! L’Académie a donc dû mettre en place un concours supplémentaire ouvert aux recalés des autres Académies… pour tenter de pourvoir tous les postes.
De plus, les demandes de mutation sont très nombreuses, du fait notamment de ces admis venus de province et souvent séparés de leur famille. Ils ne sont souvent là que pour repartir (même si ils leur faudra en fait patienter 5 à 6 ans avant de pouvoir muter dans une autre Académie). Il est difficile de se sentir vraiment impliqué dans une équipe dans ces conditions.
Et comme l’écrit l’article du “Monde” : “Si l’on considère la situation du côté des élèves et des familles (…), au moindre niveau des professeurs débutants s’ajoute un turn-over plus important qu’ailleurs.”
Les fantasmes n’expliquent pas tout. Il doit bien y avoir des réalités qui sont la cause de cette situation peu ordinaire. Ce sont ces réalités qu’il faudrait regarder en face pour espérer trouver des solutions et rendre attractif le métier de professeur des écoles dans l’Académie et en particulier dans le 93.
Bonjour Franck,
entièrement d’accord avec ce que vous dites sur l’Académie de Créteil, que j’ai connue de l’intérieur. Moi-même issu d’une région pourtant prospère (Alsace), je suis resté à Paris et j’ai enseigné 25 ans à ST Denis (il est vrai avec des tâches annexes passionnantes de formation, etc) sans me plaindre particulièrement des élèves. Nous avons construit nos vies professionnelles (et nos vies personnelles…) dans le changement permanent, la créativité obligatoire et une solidarité qui est rare à ce degré-là. J’ai même poussé le bouchon jusqu’à venir habiter (13 ans) à Saint-Denis. Avec des hauts et beaucoup de bas…mais c’est une autre histoire.
@ Suger :
Exerçant dans le secondaire, mon point de vue ne concerne que celui-ci, je ne dispose pas d’une connaissance suffisante du primaire pour l’évoquer.
Bien entendu, une grande majorité des provinciaux, passées les 5-6-7 années nécessaires pour cela, aspire à un retour à la maison. Je m’inclus moi-même dans le lot, car si j’ai eu la chance de ‘monter’ avec ma femme, nous pensons rentrer un jour ‘chez nous’, auprès de nos proches. Je pense que cette question participe du problème de gestions des ressources humaines que j’évoquais (et n’est pas le seul).
@Franck : Il faut distinguer les problèmes de recrutement entre le secondaire général, technique ou professionnel où les concours de recrutement sont nationaux et les affectations nationales (avec un passage obligé par les académies les moins demandées en début de carrière), et les problèmes de recrutement des professeurs d’écoles élémentaires où les concours sont locaux (une Académie) et les affectations sont locales, dans l’Académie où le concours a été passé (avec la possibilité au bout de quelques années de demander à changer d’Académie).
Cela a des conséquences terribles pour les écoles élémentaires de l’Académie de Créteil, car il n’y a pas assez de candidats pour passer le concours permettant de venir y enseigner comme titulaire. D’où le recours à des concours supplémentaires “bradés” et l’appel massif à des vacataires non qualifiés.
D’où la question : comment peut-on améliorer la situation et le statut des professeurs des écoles dans l’Académie de Créteil, et surtout dans le 93, pour attirer plus de candidats au concours, recruter ainsi des enseignants plus qualifiés et faire en sorte qu’ils décident ensuite de rester en poste dans le département ?